lundi 29 août 2016

A chaque chimio, un jeûne

Atteinte d'un Lymphome (Cancer de la Lymphe) non-Hodgkinien diffus à grandes cellules B en Avril 2015, je décide de faire un jeûne thérapeutique avant chaque séance de chimiothérapie.
Je commence un traitement R-SHOP14 le 30 Avril 2015. 6 séances de chimiothérapie tous les 15 jours, couplées à de l'immunothérapie sur 8 séances, ainsi que 18 séances de radiothérapie.

Très vite, à l'annonce de la maladie, je lis "Guéris-toi toi-même" du Dr Bach, et visionne un documentaire sur arte "Le jeûne, une nouvelle thérapie?" de Thierry de Lestrade. Les recherches du Dr américain Valter Longo autour du jeûne et du cancer me poussent à trouver un "remède" pour diminuer les effets secondaires de la chimiothérapie. Les nausées, vomissements, la perte d'appétit décrits par les médecins m'effraient. Malgré mes 47 kg au début des traitements, je décide de faire un jeûne thérapeutique de 3 jours avant chaque séance de chimiothérapie.

L'objectif est exigeant: regagner un maximum de poids entre les cures, d'où l'importance de choisir un régime alimentaire stricte et efficace, afin que mon corps profite au mieux du jeûne thérapeutique.

Les médecins me dissuadent de le faire, mettant en cause mon poids très faible.

Je m'entoure d'amis qui se relaient autour de moi lors des jeûnes.

J'ai un peu peur, mais je suis confiante quant aux bienfaits du jeûne.

C'est en plus une première expérience de jeûne!


Le premier jeûne se passe bien. La semaine d'avant, j'arrête les laitages et la viande et je mange fruits,  légumes, en jus ou cuisinés avec de l'eau. Je jeûne à l'eau et tisanes. Je m'impose de marcher plusieurs fois par jour. On me masse. Petite crise (acidose?) le 2e soir, je calme par une tisane. A chaque fois que je ressens la faim, je bois. J'entre à l'hôpital, j'ai une super mine, je me sens plutôt bien. Étonnée même de ma forme, sans avoir mangé depuis 3 jours! A ma grande surprise, le jeûne ne me fait perdre qu'1 kg. Les médecins décident de décaler la chimio, je décale aussi la sortie de jeûne. 1ère chimio passée, elle m'éclate le corps et la tronche. C'est l'effet d'une bombe atomique à retardement à l'intérieur du corps. La sensation qu'un ennemi progresse avec son armée par millimètre-carrés. L'invasion se fait lentement...mais sûrement. On me grignote de l'intérieur, comme un ver affamé. Brûlures, extrême fatigue. Le lendemain matin, je coupe le jeûne. Un quartier de pomme s'écrase sous mes dents. Le goût acidulé et sucré inonde mon palais, c'est l'extase! Je ferme les yeux. Je mâche de bonheur. Pas mangé depuis 5 Jours 1/2! Dans la foulée, aucune nausée, aucun vomissement. J'ai un appétit de lionne, je ne rejette aucun aliments. Je néglige la ré-alimentation, étape cruciale lors d'un jeûne: je mange riz, poids cassés, lentilles, fayots, quinoa, trop d'aliments lourds à digérer et qui entraînent la constipation.
Une semaine plus tard, je fais un Iléus Paralytique, un arrêt des intestins, une des réactions rares à la Vincristine, une des 3 molécules de la chimiothérapie. Je suis hospitalisée et reste 7 jours à jeun demandé par les médecins. Pas besoin de faire un jeûne thérapeutique pour la 2e chimio, il se fera tout seul!

2e jeûne, 2e chimio: Depuis une semaine, les intestins sont à l'arrêt. A ma grande surprise, malgré mon poids faible, les médecins maintiennent la cure. Je suis à 41 kg en sortant de la 2e chimio. Aucune nausée, aucun vomissement. J'ai un bon moral. La molécule qui entraîne l'Iléus est enlevée du protocole. Il me faut attendre 3 jours encore pour que les intestins reprennent leur travail. 10 jours à jeun au total! Je remange légumes verts, fruits, beaucoup d'eau, aucun laitage, ni produits industriels. Tout est frais et vient de la Terre.

Je perds mes cheveux. Adieu chevelure de Bérénice! Je choisis les foulards.

Je lis "L'art de jeûner, Manuel du jeûne thérapeutique Büchinger" de Françoise Wilhelmi de Toledo; je comprends l'importance de la sortie de jeûne, quelques exemples de repas y sont proposés. Je m'en inspire.

J'affine encore quelques détails: je prépare un repas "mémoire" constitué de compote de pommes (faite maison) et purée de légumes verts (brocolis ou haricots verts) que je mange 1 jour avant le jeûne, et que je retrouve en sortie de jeûne, un peu comme une mono-diète. Cette méthode s’avèrera efficace. Je l'utilise jusqu'à la fin de l'expérience.

3e jeûne, 3e chimio: La molécule est ré-introduite à moitié. Je diminue la durée de mon jeûne, à cause de mes 43 kg. Dernier repas 1 jour 1/2 avant. Je remange une compote de pommes le soir de la chimio en douceur. Tout se passe bien. Petit à petit, les repas à quantité normale reviennent. Je remange très bien. Il m'arrive de manger de la viande blanche (poulet ou dinde) ainsi que du laitage (fromage de brebis bio et frais).
Aucun produit est industriel. A part le carré de chocolat noir.

Je lis "Anticancer" de David Servan-Schreiber. Une grosse claque sur l'alimentation, l'environnement et l'hygiène de vie (yoga, méditation).

Je stabilise à 43 kg. Le moral est très bon, le corps meurtri. La fatigue après les cures est inévitable; je suis un vrai légume. Je me repose beaucoup, de toute façon l'activité me demande trop, même la concentration pour lire un livre est difficile à tenir plus de 20 mn. Je m'efforce de marcher tous les jours.

4e jeûne, 4e chimio: La molécule est ré-introduite en entier. Je suis sceptique quant au retour de l'Iléus Paralytique. Je jeûne 2 jours avant la chimio, ainsi que le jour pendant. La 4e chimio passe, un gros mal de crâne, une immense fatigue. Je remange bien. Mon petit doigt me dit que l'Iléus peut repointer le bout de son nez. Bingo! Malgré un bon retour à l'alimentation, le transit est difficile. Paniquée, j'opte pour un régime sans fibre (l'inverse de mon régime alimentaire basé sur des fruits et légumes de saison). Je mange pâtes, jambon, œuf, riz et fromage. Je le rejette. je reviens de suite aux fruits et légumes, tant pis, l'iléus sera sûrement plus fort que moi... Je sens mes intestins à l'arrêt. Mon feeling est bon: je n'arrive plus, au bout de 5 jours à m'alimenter, puisque ça ne descend plus...je n'arrive plus à boire non plus...Je suis hospitalisée 6 jours avant chimio suivante. Je suis donc à jeun 7 jours avant la 5e chimio, sans le vouloir. J'arrive à manger une ou deux compotes de pommes. Je descends à 40 kg. Mais le moral est bon.

5e jeûne, 5e chimio: Les médecins ont décidé d'enlever la molécule de l'Iléus pour les 2 dernières chimios. Merci les gars! Je suis à 40 kg et j'y reste même si après la cure, l'alimentation a repris, puisque les intestins ont aussi repris. Je remange bien. Le moral est bon

6e jeûne, 6e chimio:  Je suis à 42 kg. Je gère très bien le jeûne et la chimio se passe plutôt bien, contente que ce soit la dernière. J'ai une faim terrible. Je mange toujours 4 repas par jour, avec un plaisir infini sur toutes les saveurs des plats que je me concocte.




Après les sorties de jeûne thérapeutique, mes repas sont au nombre de 4 par jour:

Petit dèj: thé vert, compote de pommes, pain bio brun avec miel, fruits;
Déjeuner: crudités (betteraves/oignon/carottes/céleri) poulet ou œuf ou jambon blanc bio ou maquereaux ou sardines avec purée de légumes verts ainsi qu'une légumineuse, salade et fromage de brebis ou chèvre bio, fruits
Goûter: tisane, pain bio chocolat noir, fruits
Dîner: idem que le midi.

Entre les repas, je bois beaucoup d'eau (2 litres) et des tisanes et je me repose beaucoup.

A ma grande surprise ainsi que celle des médecins, je reprends 10 kg en 2 mois, en suivant ce régime alimentaire.

Je ne prends AUCUN complément alimentaire suggéré pourtant par les médecins.

Aujourd'hui, je me porte plutôt bien. Je suis en rémission (la surveillance médicale indique l'absence de cellules cancéreuses dans mon corps) depuis Janvier 2016, après une inévitable période de 6 mois d'après traitements où l'épuisement m'a habité tous les jours.
 
 
 
Septembre  2020: le temps a passé, il m'arrive de jeûner de temps en temps, cela me fait du bien, comme une sorte de vidange, de détox. Les surveillances médicales se font plus rares, je garde malgré tout des séquelles physiques, notamment suite aux séances de radiothérapie, une certaine fragilité des tissus des poumons et de la trachée est là, je ne peux pas courir très longtemps, l'essoufflement me gêne rapidement... Bien sûr les séquelles psychologiques sont présentes elles aussi. Elles ont renforcé mon attention à l'importance de l'hygiène de vie, mais la Vie est plus forte que tout et me fait dépasser tout cela !!